BERNARD

CRETTAZ

LE PERSONNAGE

Fils de paysans montagnards, originaires du Val d’Anniviers, Bernard Crettaz a choisi d’étudier la sociologie et l’ethnologie. Il s’en est sorti, loin de son bled au fin fond du Valais, comme il aime à le dire, lui qui était destiné à être prêtre. Il a réussi, il a brillé sous les feux des projecteurs, études universitaires, leader des manifestations de mai 68 à Genève, prof à l’Uni, conservateur du département Europe du musée d’ethnographie de Genève, conférencier à travers le monde et habitué des plateaux TV. Cet homme suisse atypique détonne dans le paysage helvétique. Pour son pays, il voue un amour passionné et tendre mais aussi contrarié.

 

Pro-Européen convaincu, il n’a pas encore digéré le rejet massif de l’initiative populaire « Oui à L’Europe ! » de 2001 avec 77% de non. Ce jour-là, il n’a pas compris les motivations de son peuple.

On l’a surnommé l’insoumis, le rouge, le néo-nomade… et surtout, Monsieur « la Mort » pour sa passion démesurée pour la thanatologie. Il a fondé les « cafés mortels » en 2004. Ces espaces de parole dans l’atmosphère informelle d’un coin de bistrot ont connu un succès fulgurant, bien au-delà des frontières suisses. Avec ces cafés mortels, la mort est soudain sortie du silence, exorcisant notre société de la peur de la regarder en face, car la mort fait partie intégrante de la vie. Les gens y courent, libèrent la parole et se libèrent. On dit ses angoisses, ses souffrances, sa révolte et ses peurs. On révèle des secrets liés au deuil, qui pèsent lourds sur la conscience car trop longtemps gardés. Depuis le premier Café mortel à Neuchâtel, le sociologue valaisan a animé des centaines de rencontres de ce genre en Romandie, en France, en Belgique, au Québec, à Berlin…

Aujourd’hui, à 81 ans, il va encore plus loin, conjointement avec son ami Jean-Pierre Fragnière, imminent sociologue suisse. Ce dernier étant atteint d’un cancer depuis plusieurs années, et se trouvant en phase terminale, ils décident d’écrire, « Oser la mort », un livre testament où ils parlent et confrontent leur propre mort avec honnêteté et sérénité. Une autre provocation de ce vieux jeune homme qui se surnomme lui-même aujourd’hui « Le Vieillissant ».

Il y a 8 mois, je ne connaissais pas personnellement Bernard Crettaz, et suite à mon film autour du deuil d’un enfant, j’ai fait appel à ce monsieur qui aborde et parle de la mort sans tabou. En le rencontrant pour la première fois, il m’a suffi d’une poignée de main, d’un chaleureux échange autour d’une fondue moitié-moitié et d’un bon verre de blanc valaisan, pour être charmé par sa présence, sa voix élégante, caressante et forte en même temps. Mais ce qui m’a la plus marqué, c’est l’esprit libre et impertinent de Bernard. Les serveuses le connaissent et prennent bien soin de lui. Et chaque personne qui rentre le salue « Alors Bernard… !? » et à chaque personne il lance une réponse, jamais la même… Il faut le suivre, le bonhomme, ses mots font toujours mouche et on n’est jamais pris d’ennui en l’écoutant parler. Au contraire il sait bien capter l’attention de son auditoire. De plus en faisant mes recherches, j’ai découvert qu’il avait publié plusieurs ouvrages sur l’identité montagnarde, la Suisse et la mémoire.

Avec lui rien n’est secret, ni tabou, et cela facilite beaucoup le dialogue. Nos conversations ne sont jamais habitées par la gêne. Il n’aime surtout pas la facilité et les réflexions creuses : « … c’est plutôt en évitant la vérité avec des phrases pompeuses et faussement optimistes que nous nous rendons compte à quel point c’est facile de brasser de l’air… d’ailleurs c’est un art trop bien cultivé dans certains milieux… » Il sourit et son sourire se transforme en rire, un rire joyeux et singulier. Depuis, je l’ai rencontré plusieurs fois pour la préparation de ce projet, et j’ai constaté qu’il reste fidèle à son pull rouge et à sa coupe de cheveux des années 70, qui lui donne un air de poète maudit ! Seulement, aujourd’hui « Le vieillissant » a été rattrapé par la réalité du poids des années et il voit la faucheuse le guetter en silence mais il chemine avec elle. A une récente rencontre il m’a lancé en rigolant : « … Pas de doute la faucheuse est à mes trousses ! … J’attends, j’attends… Elle peut venir quand elle veut, je suis prêt aujourd’hui… Je ne suis pas de ceux qui veulent faire de vieux os… »

BIBLIOGRAPHIE
Les anniviards barbares et civilisés

avec Evelyne Guilhaume

2019

Oser la mort

avec Jean-Pierre Fragnière

2017

la Société de Cuimey en Anniviers

avec Elisabeth Crettaz-Stürzel

2017

Des racines et des réseaux

avec Gilles Marchand

2012

Cafés mortels

sortir la mort du silence

2010

Le curé, le promoteur, la vache, la femme et le président

que reste-t- il de notre procession ?

2008

Vous parler de la mort

2003

La beauté du reste

Confession d’un conservateur de musée sur la perfection et l’enfermement de la Suisse et des Alpes

1998

Nomades et sédentaires

dans le val d’Anniviers

1979

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